Soyons clairs : la « dominance », au sens où elle est utilisée dans le langage courant à propos des chiens, est une absurdité !
Elle sert essentiellement à masquer des pratiques violentes, basées sur la peur, la violence, la force, la compulsion, la confrontation.
Étiqueter un chien « dominant » c’est un raccourci utile pour justifier de « casser » ce chien.
Or, on sait depuis longtemps que ces pratiques ne sont pas nécessaires ; on peut obtenir les mêmes résultats d’éducation ou de dressage, même meilleurs, en abordant la relation avec son chien avec respect et empathie.
Éthiquement donc, rien ne justifie la violence, l’autoritarisme, envers un chien, même « à titre éducatif ».
Essentiellement, il y a deux choses à comprendre.
- La dominance n’est pas un trait de caractère.
La dominance est une caractéristique potentielle d’une relation, pas d’un individu. Encore faut-il que cette relation soit établie, stable, et agonistique (c’est-à-dire confrontationnelle)… heureusement, toutes les relations entre êtres sociaux ne sont pas agonistiques, c’est même rare dans un milieu naturel ! - Les relations stables dans un groupe de chiens peuvent être extrêmement variables, et l’établissement d’une hiérarchie pyramidale est en pratique assez rare.
Il existe par exemple des relations « cycliques » : pour l’accès à un os plein de chair, Alice a priorité sur Bob, Bob a priorité sur Clara, et Clara a priorité sur Alice. On vous le répète : « dominant » n’est pas un trait de caractère !
La plupart des relations asymétriques impliquent l’accès à une ressource. En fonction de la ressource, les priorités peuvent être complètement chamboulées ! Par exemple : pour une peluche, Mara a priorité sur Watt ; pour une place sur le lit, Watt a priorité sur Mara.
Une autre approche, pour comprendre un peu mieux l’historique autour de cette notion depuis les années 1940 :
Une poignée de dates :
1947 – R. Schenkel étudie une meute de dix loups, dans un enclos de 200 m². Il évoque deux ordres hiérarchiques en fonction des sexes, du rang social et d’une hiérarchie nettement définie.
1970 – L. David Mech confirme les observation de Schenkel, et évoque un ordre de dominance linéaire dans chaque sexe.
1976 – E. Zimen étudie une meute de loup sans parenté dans un enclos de 500 m², il évoque une hiérarchie linéaire séparée, très marquée chez les femelles, mais en dehors du loup alpha, beaucoup moins marquée chez les mâles.
1981 – E. Zimen : « aucun membre ne décide seul des activités ni n’exerce seul le pouvoir de diriger toutes les activités vitales pour la cohésion de la meute »
2008 – L. David Mech : « Rather than viewing a wolf pack as a group of animals organized with a “top dog” that fought its way to the top, or a
male-female pair of such aggressive wolves, science has come to understand that most wolf packs are merely family groups formed exactly the same way as human families are formed. »Puis dans une vidéo, la même année :
« Notion dépassé du Loup Alpha.
Le concept du loup alpha est bien ancrée dans la littérature populaire du loup au moins en partie à cause de mon livre « The Wolf : Ecology and Behavior of an Endangered Species », écrit en 1968, publié en 1970, réédité en livre de poche en 1981, et actuellement encore en version imprimée en dépit de mes nombreuses demandes à l’éditeur pour faire cesser la publication. Bien que la plupart des informations contenues dans le livre reste toujours d’actualité, beaucoup ne sont pas à jour. Nous avons appris davantage sur les loups durant les 40 dernières années que toute l’histoire qui a précédé.
Une des pièces désuètes de ces informations est le concept de loup alpha. « Alpha » implique une concurrence avec les autres pour devenir un chien de haut rang en remportant une lutte ou une bataille. Cependant, la plupart des loups qui sont à la tête des meutes atteignent leur position simplement par l’accouplement et la reproduction des petits qui viennent composer la meute. En d’autres termes, ils ne sont que des éleveurs ou des parents, et c’est comme ça que nous les appelons maintenant, le ‘mâle reproducteur’, ‘femelle reproductrice’ ou ‘parent mâle’, ‘parent femelle’ ou le ‘mâle adulte’ ou ‘femelle adulte’. Dans les rares meutes qui comprennent plus d’un animal reproducteur, ‘l’éleveur dominant’ peut être appelé ainsi, et n’importe quelle fille peut être appelée ‘éleveuse subalterne’.»
2014 – Jean-Claude Arnaud poursuit une étude initiée par Cinthia Moreira de Carvalho Kagan et a observé de manière scientifique les groupes de chiens des indiens Pitaguary, au Brésil. Ses conclusions semblent assez claires : les conflits sont presque inexistants, la notion de hiérarchie est quasi inexistante, en revanche, l’utilisation des compétences individuelles est bien présente, certains chassent avec l’humain, d’autres gardent… (D’autres études de ce type existent, en Italie je crois savoir).
Quel que soit le lien qu’on puisse faire entre le loup et le chien, qu’on considère que ce dernier en est une sous-espèce, ou qu’il n’en est qu’un très lointain cousin, un courant de pensée n’a actuellement plus aucune raison d’exister. Pour certains, une hiérarchie stricte, obtenue par la force, est une base de l’éducation canine, aujourd’hui, plus aucun fondement scientifique ne valide cette position, en dehors d’être nostalgique des années 40 je ne vois pas…
Devenir l’Alpha, le chef de meute, n’a rigoureusement aucun sens. Et si le chien est parfaitement conscient qu’il n’appartient pas à la même espèce que nous, il semblerait en revanche que tous les humains n’en aient pas été informés. Si je persiste à dire que nous formons bel et bien un groupe social mixte, avec ses règles et évidemment ses interdits, nous ne formons pas une « meute » avec nos chien. Pour finir, lorsqu’on sait maintenant que le « mâle alpha » et la « femelle alpha » ne sont que des reproducteurs, je me garderais bien de tirer des conclusions concernant les rapports qu’entretiennent ces « chefs de meute » avec leurs chiens…
Prenez un chien inconnu, sur une surface étendue, et déplacez-vous, en ligne droite, ne dites rien, de vous retournez pas, soyez convaincu de ce que vous faites, montrez une assurance sans faille et après 50 ou 100 mètres, arrêtez-vous. Où se trouve le chien ?
Il ne s’agit en aucun cas de devenir le chef de meute, mais simplement d’attiser l’intérêt, et d’inspirer la confiance.
Raphaël Pin
E.C.C.
Voici ce qu’en dit une vétérinaire :
attention : malgré tout, certains mythes sont encore propagés dans cette vidéo ! Non, l’éducation dite « positive » ne prend pas plus de temps que l’éducation « musclée », c’est même le contraire !
Encore une idée fausse propagée par les adeptes de la violence éducative dans une tentative de s’auto-justifier, qu’on a tellement entendue qu’on la répète comme une « vérité »…alors que c’est objectivement faux.